Retour à l'accueil

 

Retour à l'accueil des maisons

 

7, rue du Colonel Fabien – « Villa Les Hirondelles»

 

François et Gisèle Lemaire

 

 

 

 

Ma maison est une maison comme toutes les maisons, mais voilà c’est la mienne  !.....

 

Je fredonne ce refrain dans ma tête, tandis que je commence d’écrire son histoire dans la maison natale de Gisèle, ce 22 juillet 2000, où logent encore les hirondelles !

 

Ma maison a été conçue et a grandi avec moi, puisque Maman m’a toujours dit « je t’attendais lorsque ton père a décidé de construire la maison ».

 

Mes parents m’y installent au printemps qui a suivi le 25 octobre 1921, date à laquelle je suis né dans la villa Jeanne d’arc, sente de la Cerisaie à Viroflay;

 

Mais un mystère demeure : en consultant mes actes de propriété, pour rédiger son histoire, je m’aperçois avec étonnement que les deux terrains contigus formant un lot de 450m², sur lesquels elle s’édifie, ne sont acquis par mes parents que les 23 janvier et 10 février 1922.

De toute évidence, la maison étant la 3èmdu chemin de terre non viabilisé, n’a pas besoin de permis de construire.

 

C’est monsieur Jean Van Goens, patron de mes parents, qui vend ce terrain à ses domestiques, ce qui lui permet de les avoir sous la main tout en leur évitant de monter chaque matin de l’Ecu de France, où se trouve la Villa Jeanne d’Arc, à « Riant-Site » sa propriété de la sente de la Procession (1)

 

Fort heureusement cette vente a lieu en bonne et due forme devant notaire. Quatre ans plus tard en effet, la maison serait passée en d’autres mains, car Papa décède peu de temps avant monsieur Van Goens et les héritiers persuadés que la maison est un logement de fonction, viennent prier maman de déguerpir avec ses deux enfants, ma sœur Valentine de 13 ans (qui meurt 5 ans plus tard) et moi même âgé de 6 ans.

 

Pour vous raconter la longue histoire commune de ma maison et de ma vie je la divise en 3 périodes : Première période, de 1921 à 1945 ; deuxième période de1945 à 1974 ; troisième période de1974 à l’an 2000

 

Première période - 1921-1945 – Construction de la maison

 

Sur les plans de leur patron architecte Hollandais en retraite, mes parents font bâtir une maison ouvrière de 50 m², comprenant 4 pièces au rez de chaussée et 2 pièces mansardées à l’étage, de style normand avec ses volets de bois. Les fondations peu profondes, permettent seulement une petite cave à vin sur un quart de la surface totale et un vide sanitaire sur le reste. L’escalier d’accès à la cave est extérieur et protégé par un appendice, situé sur le pignon nord de la maison. Les soubassements sont recouverts d’un enduit de ciment lissé, sur lesquels s’élèvent des murs de briques creuses recouverts d’un mouchetis de ciment gris, égayé par des bandeaux de plâtre blanc dans les angles et sur les encadrements des 6 fenêtres.

 

Le gros œuvre est rapidement réalisé, car selon Maman : « Pas une goutte de pluie n’est tombée durant sa construction, le maçon, le charpentier et le couvreur s’étant unis pour que la dernière tuile soit posée avant la grosse ondée qui s’annonce à l’horizon. »

 

Les sanitaires n’étant pas prévus à l’intérieur de la maison, Papa construit un appendice qui permet de pallier cette carence, camouflant la fosse étanche, tout en protégeant sa porte et son escalier d’entrée; Il crée ainsi une véranda vitrée, avec des châssis de jardinier. Cette construction sud s’harmonise bien avec l’appendice nord.

 

Après la construction de sa maison, Edouard Lemaire, jardinier courageux et organisé, entreprend tout seul de creuser un sous sol, sous le vide sanitaire inutilisé de sa maison. Il veut pouvoir y bricoler, y installer un établi de menuisier ou y entreposer ses plantes hivernales .Toujours est-il qu’il creuse à coups de pioche et de pelle son sous-sol à hauteur d’homme.

 

Mais, pour solidifier les fondations insuffisamment profondes, il a l’idée géniale de laisser 1 m3 de terre au pied de celles-ci et de créer un second mur de briques pleines pour consolider le tout, formant ainsi une dalle utilisable à hauteur de mains. J’admire mon Père d’avoir fait un tel travail de titan, alors que de toute évidence, il souffrait déjà du cancer qui l’a emporté, puisqu’il a dû laisser sur les dalles les sacs de ciment réservés au revêtement du sol, qu’il n’a pas eu le temps de réaliser et que j’ai retrouvé durcis plusieurs années plus tard.

 

Construction des dépendances

 

En même temps que sa maison, Papa, « qui veut que ses animaux soient aussi bien logés que lui. » fait construire deux bâtiments dont l’un aujourd’hui transformé en garage, mais qui, à l’origine st divisé en cellier, clapier-pigeonnier et poulailler.

 

L’autre petit bâtiment qui reste inchangé, est celui des deux chèvres qui m’ont nourri jusqu’à l’âge de 3 ans, sans lesquelles, parait-il, je n’aurai pas survécu  à des crises d’entérite à répétitions !

 

Les hirondelles profitent aussi d’un tel logis et viennent y faire leur nid, ce qui inspire à Papa l’idée d’appeler sa maison « Villa des hirondelles » (à noter qu’il n’y a pas de n° de rue à cette époque).

 

Avec l’Association de la Rue du Colonel Fabien, le plus jeune d’entre nous a remis en honneur la plaque des hirondelles sur notre maison le 16 novembre 1991.

 

En 1933 après la disparition de ma grande sœur Valentine, qui faisait vivre la maison, Maman, économiquement désemparée est obligée de la louer. Qu’à cela ne tienne, nous nous installons dans les « Bâtiments » après quelques modifications rudimentaires réalisées avec de bons amis.

 

Cet « Episode » dure 8 ans. Ayant repris mon travail à la Mutualité Sociale Agricole en 1941, après un séjour en sanatorium, nous pouvons de nouveau, Maman et moi, habiter notre maison. Elle reste dans son état d’origine jusqu’en 1945, date de mon premier mariage avec Madeleine.

 

Deuxième période – de 1945 à 1974

 

Ne pouvant nous séparer de Maman devenue dépendante et devant la crise du logement de l’après guerre, nous transformons la maison en 2 logements.

 

Notre jeune foyer s’installe dans les deux pièces du coté nord, en créant une entrée indépendante sous forme de porte fenêtre ouvrant directement sur la rue. Maman conserve la grande pièce et la petite chambre coté sud. Les toilettes sont  communes.

 

Au fur et à mesure de l’arrivée de nos enfants, nous sommes amenés à agrandir notre territoire, de sorte que Maman, qui n’aime pas Madeleine mais adore ses petits enfants, accepte de n’avoir plus pour vivre sa vieillesse dépendante, que la seule pièce ouverte lors de notre mariage.

 

En 1957 nous décidons de surélever « Les hirondelles »

 

Pour ce faire Maman accepte de procéder à l’acte de donation qui me permet de contracter l’emprunt nécessaire.

 

La surélévation de la maison

 

Cette opération va nous permettre le gain des deux chambres à l’étage, dont nous avons besoin, car depuis la naissance de notre fille Anne-Marie, nous avons une employée de maison : Elise, ce qui va porter à 9 le nombre des habitants des hirondelles.

 

L’opération est lancée le 7 juillet 1957 ; depuis une quinzaine de jours il fait un temps radieux. D’un commun accord, nous décidons de faire l’économie d’un toit provisoire pour découvrir la maison.

 

Tout marche bien pour la découverte du toit et l’arasement des murs ; mais alors que la maison ressemble à un blockhaus en ruines, « survint du fond de l’horizon le plus terrible des enfants que le nord eut jamais porté dans ses flancs »

Des bâches sont en hâte étalées sur le plancher, mais elles n’ont que l’effet de canaliser les trombes d’eau vers l’escalier du grenier transformé en torrent, sans pour autant éviter le copieux détrempage des plafonds qui s’égouttent sur les meubles du rez de chaussée.

 

Catastrophé par cette vision apocalyptique je demande  à mes enfants de se mettre en prière, tandis que deux amis qui m’aident à creuser l’escalier du sous sol disposent un grand baquet au bas de ce trou, pour y diriger les eaux diluviennes à grands coups de balais.

 

Heureusement, Madeleine est en courses, bloquée par l’inondation du quartier de l’Ecu de France. Maman, de son côté, a été évacuée durant les travaux chez une de ses sœurs.

 

L’une et l’autre ne se sont aperçu de rien. Par contre, mes enfants traumatisés sont recueillis et rassurés par Jean et Jeannette Douin, nos voisins d’en face, chez lesquels ils se souviennent avoir passé la nuit suivante.

 

Après la pluie vient le beau temps, et quelques semaines plus tard, le soleil ayant tout séché, la maison agrandie nous fait oublier cette mésaventure.

 

Simultanément l’appendice nord disparait, l’escalier extérieur de la cave est supprimé. Une dalle est coulée afin de permettre le passage d’une voiture .Le portail de la rue est élargi et le grand « Bâtiment » transformé en garage.

 

L’escalier intérieur, créé au moment de l’orage, permet désormais d’accéder à la cave par une porte percée qui la relie au sous-sol. Celui-ci voit son sol de terre battue enfin cimenté !

 

Au rez de chaussée la pièce d’entrée est équipée d’une cabine de douche. Une cuisine est créée dans l’ancienne petite chambre, ce qui permet d’installer une grande penderie dans ce que nous appelons maintenant le hall d’entrée.

 

Extérieurement, la maison rajeunie voit ses bandeaux de plâtre défraichi supprimés, tandis qu’elle s’habille d’une robe de fin mouchetis clair. Les ouvertures du premier étage sont en forme de porte-fenêtre côté façade principale, avec balcon démontable, permettant les déménagements rendus difficiles par l’escalier étroit gardé en l’état.

Pour mener à bien tous ces travaux, je veux citer le nom d’un artisan Menuisier-Charpentier de valeur, devenu un ami : André Labourdette.

 

En 1968 : création de la terrasse et de la salle de jeux

 

L’idée me vient de profiter d’un changement de chaudière (de charbon à fuel) pour créer une terrasse camouflant la cuve qui devait être placée sous les deux fenêtres arrière du rez de chaussée. Puis je me dis que la cuve à mazout peut être enterrée dans le passage de la voiture. Que la terrasse, dont je rêve, peut permettre  la construction d’une grande salle de jeux au dessous, réclamée par nos ainés pour organiser leurs Boum !

 

En plein été révolutionnaire, nous creusons un énorme trou sous les deux fenêtres arrière de la maison, pour y implanter une terrasse de 28 m².

Pour évacuer les terres nous n’avons qu’une solution, compte tenu de l’étroitesse du passage : l’étaler sur toute la longueur du « Champ » (2) dans la rue du Colonel Fabien. Il y en a jusqu’à la maison d’Emile Mandonnet ! Bien entendu un gros engin se charge, quelque temps plus tard, d’évacuer toutes ces terres.

 

Avec cette terrasse nous jouissons dès lors d’un magnifique espace de vie, dont nous  profitons dès que le soleil le permet, car les deux portes fenêtres créées pour y accéder sont au niveau de la cuisine et de la salle de séjour.

La salle polyvalente du dessous, est à la fois indépendante, desservie par un escalier extérieur, mais aussi accessible directement par le sous-sol.

 

Grâce à la construction récente d’un tout à l’égout, obtenu par la nouvelle Association Syndicale Autorisée de la Rue du Colonel Fabien, nous créons deux équipements nouveaux : une évacuation d’eau pour le bar des grands enfants et la transformation de la fosse étanche en salle de bain-douche dans le sous sol !

 

Pour conclure cette période d’une vie intense avec Madeleine, de1945 à Noël 1973, jour de son « Grand Départ », nous pouvons dire que nous avons réalisé de notre mieux toutes les transformations possibles, pour adapter la petite maison ouvrière de mes parents à l’accueil de nos 6 Enfants.

 

Troisième période : de 1974 à l’an 2000

 

Avec Gisèle, ma seconde épouse, et sous son inspiration, nous finissons, perfectionnons et embellissons notre maison.

 

En vraie femme du Nord il faut quelle soit propre et belle ! Le peintre fera l’extérieur et Gisèle l’intérieur.

A l’étage une salle de bain et une cabine de douche, (qui remplace celle du rez- de-chaussée), sont créées  ainsi qu’un w-c.

 

Au rez de chaussée, à la place de l’ancienne douche, Gisèle m’offre un bureau et des placards de rangement de mes papiers qui font désordre !

 

Un beau carrelage est choisi pour la véranda et le hall d’entrée qui remplace les dalles de plastique ; les planchers sont vitrifiés, les plafonds blanchis et les murs recouverts d’un nouveau « tapis ».

 

Une cheminée rustique remplace celle, austère, de marbre noir, de la salle de séjour et je dois dire que nous avons beaucoup de plaisir à voir l’hiver, y crépiter un feu de bois.

 

Le sous-sol est lui aussi rénové et la chaudière au fuel polluant, remplacée par une chaudière au gaz.

 

La grande salle de jeux désertée après l’envol de nos enfants, est transformée en studio, que l’un d’eux revient habiter quelque temps au retour de son service militaire

 

Le studio est équipé d’un cabinet de toilette comprenant lavabo et w.-c., une kitchenette avec évier, plaques électriques et frigidaire.

 

Dans le sous-sol de mon Papa, sur une de ses dalles, est maintenant installé mon ordinateur. C’est un hommage, que je suis fier de lui rendre en y écrivant l’histoire des « Hirondelles »

 

Depuis ma naissance, à travers les vicissitudes de toute existence, je suis heureux dans ma maison.

Aurai-je le privilège d’y terminer ma vie ? Elle n’est pas faite pour une personne handicapée car elle est toute en escaliers étroits et difficiles. Alors, à la grâce de Dieu. 

 

Depuis que l’histoire des « Hirondelles» a été racontée, six ans déjà se sont écoulés et les oiseaux se sont envolés pour d’autres cieux.

 

Car nous avons du nous en séparer, pour la vendre et partir dans la petite maison située dans le pays natal de Gisèle, là ou j’avais commencé à vous raconter « Les Hirondelles ».

 

En effet, Gisèle, atteinte de la maladie de Parkinson, ne pourra plus continuer d’entretenir un nid trop grand pour nous, tandis que notre jardin souffrira bien vite du manque de forces d’un fils de jardinier, qui, âgé maintenant de 85 ans, n’arrive plus à faire face aux forces vives de la végétation !

 

Dans ces conditions, nous avons considéré que j’ai eu moi François,  beaucoup de chances sinon de grâces, d’en avoir joui depuis 85 ans et de pouvoir aller finir nos jours dans un très joli pays du Nord-Vert de la France, malheureusement mal connue des Parisiens, dans une région qui s’appelle «La Thierache» qui ressemble étrangement à la Normandie, avec ses pâtures de vaches laitières, ses étangs et ses forêts.

 

Nous souhaitons à nos successeurs de vivre heureux aux « Hirondelles », comme nos enfants, mes deux épouses et moi-même l’avons été.

 

 

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